La voile tuning

Publié le par Grassineau Benjamin


En voiture, il y a des gens qui aiment faire du
tuning. Ils veulent que leur voiture soit un bijou de collection, une beauté, une oeuvre d'art. Seulement le truc, c'est que la beauté, c'est relatif. Donc forcément, il y a différentes sortes de tuning. Y a le tuning classique (ailerons, feux multiples, méga flammes sur la carosserie, etc.), le tuning vieille voiture (siège en cuir, vieux cendriers, etc.), le tuning voiture flambant neuve (voiture neuve, super nickel, on peut se mirer dans la carosserie, etc.), le tuning camping-car (cuisine équipée dernier cri, lit pliable électronique, etc.), le tuning poubelle (auto-collants qui recouvrent la carrosserie, plancher troué, etc). Et y en a d'autres. En voile, c'est un peu pareil. Donc, allez, un peu d'anthropologie pour se détendre.

Tout d'abord, il y a le tuning clean. Le but, c'est de faire de son bateau un bateau qui brille. La moindre tache de rouille doit être combattue ardemment à coup de produits chimiques très chers et bien corrosifs (merci les poissons...). La boîte à outils d'un amateur de tuning clean est donc composée de produits chimiques hautement toxiques en tout genre. L'avantage, c'est que si vous êtes un peu connaisseur en chimie, vous pouvez probablement vous recycler dans le terrorisme naval... Mais l'objectif d'un amateur de voile tuning clean, en général, n'est pas de faire sauter les ports qu'il traverse, c'est plutôt d'être fier de son beau bateau bien propre. Il rajoute un tau, du bon matos, parfois une éolienne pour le frigo à whisky, une barre bien clean, etc. Ce qu'il veut, c'est du bateau qui brille. Faut pas aller chercher plus loin. Son angoisse, avoir des pare battages dépareillés. Sa tenue : veste de quart bien résistante et lunettes de soleil. Question comportement, le tuningueux clean est un maniaque du rangement. Si bien qu'à son bord, vous n'avez qu'une peur, salir avec vos chaussures. Son bateau est clean de chez clean, au point même parfois qu'il n'ose plus le sortir de peur de l'abimer. Le risque du tuning clean, glisser sur une pièce d'inox trop bien polie et tomber à l'eau...

Il y a aussi le tuning vieux gréement. Le but, c'est de faire de son bateau un authentique voilier des années 30 ou un voilier CP des années 60. Sa boîte à outil est remplie d'étoupe, de peintures biologiques et de pinoches au cas où la coque qui date de l'avant-guerre lacherait dans un coup de vent. L'obsession de l'amateur du tuning vieux gréement, c'est de reproduire à l'identique le bateau d'origine, voile, vis, clous, habitat compris. Pour ça il y met de l'ardeur. Il faut dire qu'il le bichonne son petit bijou. Sa tenue : vareuse, gitane maïs et béret marin. Le vieuxgrémenteux est un bon bougre. Il aime les rassemblements de vieux gréements où il peut montrer sa petite merveille à ses copains, et il aime aussi les chants marins avec un verre de pinard et du camenbos. Le risque du tuning vieux gréement. S'emmêler dans les cordages et rester bloqué dans une sorte de bondage machiavélique !

Autre catégorie, le tuning sportif. Le but, c'est d'acheter les voiles flambant neuves, les winchs derniers cris, l'électronique de haute compétition, une peinture spéciale pour voilier de course, etc. La boîte à outil de l'amateur de tuning sportif : le catalogue de matos marin, car généralement, le matos high-tech coûte trop cher pour qu'il puisse se le payer. Sa tenue. Le vêtement aérodynamique pour ne pas ralentir le bateau. Certains se greffent aussi une puce bionique pour pouvoir paramétrer la meilleure nave possible ! L'angoisse du tuneur sportif : un bateau qui rame. Son comportement. Il a un peu le même comportement qu'un herbivore aux aguets. Il jette constamment des coups d'oeil à droite à gauche pour être sûr que la bateau avance au max de ses capacités, il se lève brusquement pour aller vérifier les réglages, il vous assène des ordres sans arrêt (des sortes de cris d'alarme), etc. Le risque du tuning sportif. Comme chez les trackers, la crise cardiaque à 30 ans !

Catégorie moins connue, le tuning gothique. Le tuneur gothique, ce qui le fait kiffer, c'est le bateau ténébreux, les sectes pirates, les requins tigres et les messes sataniques où tout le monde vomit en choeur à cause du mal de mer. Il peint son bateau en noir, car il aime le noir. Les voiles aussi, mais il peint sur la coque ou sur les voiles, une grand flaque de sang qui dégouline. Il remplace les winchs et l'accastillage par des chaînes cloutées, il met une grande lame à la place du bout dehors et il se fabrique une barre cloutée. Sa boîte à outils, la bible noire et du matos de pêche pour éviscérer les poissons et lire la météo dans leurs entrailles ! Sa tenue. Bon ben une vareuse noire, un bandeau en travers du visage et surtout du rimmel noir qui résiste à l'eau de mer. Son comportement. A votre avis. Il sort la nuit, dans les ténèbres d'une tempête glaciale, là où il espère rencontrer de dignes monstres marins ou des esprits lovecraftiens, et en récitant des liturgies sataniques. Le risque du tuning gothique. Etre sacrifié par son équipage et jeté en pature aux requins.

Dernière catégorie, le tuning pourave. L'amateur de tuning pourave est forcément voileux-pouraveux, mais tous les voileux-pouraveux ne sont pas forcément des tuneur-pouraveux. On peut-être un voileux pouraveux par la force des choses. Parce qu'on est trop feignant pour ranger, parce qu'on se contre-fout de l'apparence du bateau, parce qu'on est bien dans son bordel, parce qu'on a toujours vécu comme ça, parce qu'on rafistole son bateau pour pas qu'il coule, etc. Mais on peut être aussi un tuneur pouraveux. C'est plus vicieux, ça veut dire qu'on aime ce qui est crade, délabré, détruit, etc. Le tuneur pouraveux est une sorte de voileux underground. Il kiffe sur les coques moisis, les vieux rafiots rouillés, les paquebots miteux, les ports en perdition (le bassin à flot de Bordeaux par exemple), les zones rouges, les voiles trouées, etc. C'est plus fort que lui, il a une attirance pour le désordre, l'entropie, le clochardisme, les graffitis et les taches de rouille ! Il rêve parfois devant les vieux bateaux en bois qui finissent leurs vieux jours dans un port plein de vase, devant les plates ostréicoles où tout est entassé en vrac, devant les vieux pontons faits de piquets en bois, devant les ports industriels où des paquebots croulants
venus de Sibérie accostent de temps en temps, etc. Sa trousse à outils est remplie de bons vieux outils de rafistolage, de bouts de planche en CP récupérés dans des chantiers navals, de matos pour recoudre les voiles qui se déchirent régulièrement, etc. Son bateau est crade, ses voiles sont trouées et il met des pneus à la place des parres battages. Parfois, il fait taguer son bateau par des potes de cité, juste pour le plaisir. Si, c'est un amateur de beatniks, il peut aussi peindre des fleurs sur sa voile et sa coque. Son comportement, celui d'un clochard céleste. Donc y a de la latitude. Le risque du tuneur pouraveux : s'endormir à la barre après une cuite mémorable.

Bon, ben voilà...

Viva la voile pourave
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L
Comment ça le bassin à flot de BDX est miséreux !Il va falloir y mettre de l'animation !
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