Le nomadisme marin

Publié le par Grassineau Benjamin


De nos jours, c'est un fait, la voile renvoie une image franchement sérieuse. Faire de la voile, c'est faire partie d'une classe aisée, c'est se la jouer, faire de la compète, épater la galerie. J'aimerais montrer ici qu'on peut en fait faire de la voile de manière totalement différente. Que la voile est par essence un truc de hippies, de beatniks, de gitans des mers et que là est sa vraie vocation.

Le nomadisme marin a une longue histoire. Rien de surprenant. Etre nomade a longtemps été le propre de l'homme (sur ce sujet, voir Jacques Attali, l'homme nomade). En plus, le nomadisme convient parfaitement aux besoins de l'être humain. Par exemple, selon Marshall Sahlins, un anthropologue, la pénurie et la pauvreté sont des inventions modernes, propres aux civilisations sédentaires. Là où on croit avoir fait un bond en avant avec notre soi-disant civilisation du progrès - je dirais plutôt, civilisation du sous-développement chronique - on s'aperçoit que nos conditions de vie ont en fait empiré.

Commençons donc par le commencement. Le nomadisme n'est pas une tare, c'est un mode de vie hautement civilisé. Nettement plus que cette civilisation du vide où l'on part en vacances comme des moutons sans que cela n'ait aucune signification, ou de cette civilisation où on travaille, on lutte, on se bat pour une compétition qui n'a strictement aucun sens. Ou encore, de cette civilisation où on croit dans des mythes politiques, scientifiques ou autres, qui sont tout aussi creux que les mythes de ceux qu'on a appelé des primitifs. Eux avaient leurs totems, leurs rites, nous avons les nôtres. En nous ruant dans des concerts, dans des amphithéâtres d'université, en affirmant fièrement nos goûts pour telle ou telle musique, telle ou telle oeuvre d'art (des nouveaux totems ?), en croyant dans la science moderne, en s'imaginant que ces simulacres de procès ont un sens et veulent dire quelque chose, en idôlatrant Jimi Hendrix, Ségolène Royal ou nos profs de fac, en nous offrant des cadeaux à noël, en nous ruant dans les grandes surfaces, nous sommes des mystiques, des superstitieux et des primitifs. Point, nous n'avons jamais dépassé ce stade.

Prenons donc cette idée comme point de départ. La civilisation nomade vaut largement notre civilisation pseudo-moderne. Nous sommes au pire des sous-modernes.

Partant de ce constat, le nomadisme marin, la voile pourave est une solution d'avenir. C'est une manière de reconsidérer l'existence. Le nomadisme marin est un nomadisme qui libère quelque chose de profondément ancré dans nos fibres. Nous avons besoin de bouger. La signification de nos existences ne se découvre que dans le mouvement. En étant statique, notre représentation du monde s'étiole, nous nous soumettons à l'apparence de l'inéluctable. Nous devenons conservateurs.

Le nomadisme est donc un art de vivre, une force de changement et une direction de vie. En devenant nomade, on trouve sa propre signification à ses actes, en dehors de l'apparence sociale qui nous conditionne. Or, le bateau est le meilleur moyen d'être nomade. Eventuellement, c'est un moyen de transport économe. On rencontre des tas de gens sympas. On peut trimbaler pas mal d'affaires (livres, culture, portables, vélos, etc.). On peut bosser à droite à gauche. On peut donc vivre comme un nomade, sans trop polluer, sans trop galérer, sans déranger...

L'idéal, de nos jours, et l'idée me plaît bien, serait que des nomades des mers s'agglutinent entre eux pour former de véritables sociétés fondées sur la libre association. Ils formeraient des sortes de groupes autonomes, transnationaux, où l'autonomie individuelle serait la règle d'or. L'exclusion, au sein de ces groupes, serait interdite par un code moral, et l'association entre des individus ou des équipages indépendants serait le principe de régulation fondamental.

Ces groupes nomades seraient des sortes de regroupement de beatniks modernes qui répandraient aux quatre coins du monde ce vent de liberté dont on a bien besoin aujourd'hui... Les nomades marins joueraient de la musique dans les villes, vivraient de pêche, de littérature, de travaux sur Internet ou de diverses ventes. Ce ne seraient pas des commerçants, appâtés par le gain, mais les citoyens d'une république de marins qui auraient pris la décision de vivre différemment, de faire passer des valeurs comme la liberté, la solidarité et l'autonomie, au dessus des valeurs occidentales de base qui nous pourrissent la vie. Par leur simple exemple, les nomades marins produiraient un déclic dans la vie de tous ces occidentaux désoeuvrés qui s'affairent avec sérieux et acharnement à reproduire un système franchement décadent.

Bien sûr, ce n'est pas une utopie que je décris ici, c'est le monde de demain. Vous verrez, on y viendra. Si un vent de liberté doit souffler sur nos continents, il soufflera par nos côtes, comme ça s'est toujours fait.

VIVA LA VOILE POURAVE

Sur le sujet.

- Nomade marin sur le Forum Hisse et Ho
-
Indonésie: Le mystère du peuple Badjos
- Un article sur le peuple Badjo.
- Tom Vater, Au large de la ThaïlandeLes Moken, nomades des mers Courrier international   no774, 01/09/2005, p.36-37
- Ivanoff, Jacques ; Reynard, Nicolas, Les nomades des mers, National Geographic France   no 68, 01/05/2005, 2-21
- Les nomades des mers en thaïlande.
- The moken, Sea-gypsies
- Sea gypsies, sur Wikipédia.
- Les nomades des flots.
- Les Vezos.
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A
<br /> Oups, le temps passe super vite. Bin écoutes, c'est pas complètement mort. T'as un bateau, t'es motivé ?<br />
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S
<br /> Salut , ouep tres interessant.Et depuis 2006 sa dit quoi cette bonne idée?<br />
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